29/03/2011

Laure de Barbarie



Dans la rue, un joueur d’orgue s’est arrêté ;
C’est un vieux mendiant, et sa main qui tremblote
Tourne la manivelle en triturant les notes
D’un vieil air d’opéra cent mille fois chanté.

Il regarde un à un, sombres, mélancoliques,
Les passants qui s’en vont en détournant les yeux.
L’orgue joue en grinçant : « Éléonore, adieu ! »
Puis, le vieillard s’éloigne en traînant la musique.

Le voilà qui s’installe à quelques pas plus loin.
L’orgue gémit encore la chanson du « Trouvère »,
Et le joueur attend, musicien de misère,
Qu’on lui jette les sous dont il a tant besoin.

« Éléonore, adieu ! » La vieille main débile
Se crispe, ankylosée à force de souffrir...
L’orgue pleure toujours : « Je vais bientôt mourir ! »
Mais personne ne jette un sou dans la sébile.

Tandis qu’on s’enfuyait aux notes du vieil air,
Délaissant le joueur et sa « boîte à musique »,
Moi, je le comparais (l’idée est fantastique)
À nous, les inconnus, à nous, faiseurs de vers.

Mendiants, nous aussi, nous errons dans la vie
En jetant aux passants la chanson de nos coeurs ;
La foule nous écoute avec un air moqueur,
Puis s’en va, dédaignant nos musiques ravies.

– Ne chantons plus l’Amour ! Quel ennuyeux refrain !
Voilà bien des mille ans que ce duo se chante !
Nous sommes les derniers qu’un si vieil air enchante,
On rit de nous déjà : que sera-ce demain ?

Votre époque est passée, ô Laure ! ô Béatrice !
On se moque de vous, Pétrarque, Alighieri !
Et les seules chansons dont personne ne rit
Sont celles du plaisir, de l’or, des bénéfices.

À quoi bon plaisanter, mon rire sonne faux !
En ce monde où l’argent est le dieu qu’on proclame.
Frères, chantons encore la chanson de nos âmes,
Méprisés si l’on veut, mendiants s’il le faut !

Jean NARRACHE.

8 commentaires:

bizak a dit…

Laure K.
Je ne comprends pas pourquoi, les gens restent de "marbre"devant un tel appel à l'aide, mais patience! Laure la foule écoute peut être avec un air moqueur, mais elle finira par être enchanté par un si viel air et donnera sûrement quelques sous.

Yvan a dit…

Quant à moi cet air restera.
Chanté et sans réponse autre
des gens affairés.
Exulté ensuite par les poètes
cherchant ailleurs une autre
mélodie.

manouche a dit…

Mon pote le gitan aime l'orgue pas la barbarie du temps...

Laure K. a dit…

@Bizak

De la patience, là je n'y crois guère... faut pas exagérer le "gens" n'est pas non plus un bénitier de bonnes oeuvres charitables, surtout en temps de crise, comme dirait tata Paulette !

Plus cette idée qu 'il ne faut pas grand chose pour faire un heureux surtout quand il se fend d' une chanson comme celle-ci.

Laure K. a dit…

@Yvan

Le damné poète... j' ai une pensée pour lui, oui !

Laure K. a dit…

@Manouche

le jeu de mots était tentant...

bizak a dit…

@Laure K.
Te lire aprés une... si longue absence, me fait énormément de bien, comme dirait Tata...tous les gens ne sont pas de marbre...je t'assure.

Laure K. a dit…

@Bizak
:-)

Naturaleza

Chanson à la force Qui nourrit Le chemin De nos rêves Nature Nature Nature