05/08/2008

Livre de Fa(m)ille

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Lignes de faille de Nancy Huston
Livre de FA(m)ILLE

C’est l’éveil.
Comme quand on appuie sur l’interrupteur et que la pièce se remplit de lumière.
Dès que je sors du sommeil je suis allumé alerte électrifié, tête et corps en parfait état de marche, j’ai six ans et je suis un génie, première pensée du matin.
Mon cerveau remplit le monde et le monde remplit mon cerveau,
j’en contrôle et possède chaque parcelle.
Dimanche des Rameaux très tôt AGM chez nous en visite
Maman et papa encore endormis un dimanche ensoleillé soleil soleil soleil Roi soleil
Sol Solly Solomon
Je suis un flot de lumière instantané invisible et tout-puissant qui se répand sans effort dans les recoins les plus sombres de l’univers
capable à six ans de tout voir tout illuminer tout comprendre

(...)
Dieu m’a donné ce corps et cet esprit et je dois en prendre le meilleur soin possible pour en tirer le meilleur bénéfice. Je sais qu’Il a de grands desseins pour moi, sinon Il ne m’aurait pas fait naître dans l’Etat le plus riche du pays le plus riche du monde, doté du système d’armement le plus performant, capable d’anéantir l’espèce humaine en un clin d’œil. Heureusement que Dieu et le président Bush sont de bons amis. Je pense au paradis comme à un grand Etat du Texas dans le ciel, avec Dieu qui se balade sur son ranch en Stetson et en bottes de cow-boy, vérifiant que tout est sous contrôle, canardant une planète de temps à autre pour s’amuser.

Entre un jeune Californien du XXIe siècle et une fillette allemande des années 1940, rien de commun si ce n’est le sang. Pourtant, de l’arrière-grand-mère au petit garçon, chaque génération subit les séismes politiques ou intimes déclenchés par la génération précédente.
Porté par la parole d’enfants victimes d’événements qui les dépassent et de choix qui leur échappent – qui les marqueront pourtant toute leur vie –, ce roman se construit à rebours, de fils en père et de fille en mère, comme on suit en remontant le fil de sa mémoire. Quel que soit le dieu vers lequel on se tourne, quelle que soit l’époque où l’on vit, l’homme a toujours le dernier mot, et avec lui la barbarie. C’est contre elle pourtant que s’élève ce roman éblouissant où, avec amour, avec rage, Nancy Huston célèbre la mémoire, la fidélité, la résistance et la musique comme alternatives au mensonge

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour ton coup de coeur qui m'a l'air fameux. Moi, je paresse avec des thrillers mal écrits et sans imagination.Tu me le réserves ?

Laure K. a dit…

Première vrai lecture depuis au moins un siècle, il me fallait du lourd !
celui là m'est tombé dessus ... comme deux ou 3 objets quotidiens sur le bout de l'orteil !
L'été n 'est jamais pour moi une saison légère.

Fabienne Verdier, rencontre

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