"Moins pessimiste que d’autres Miyazaki,
Mon voisin Totoro n’en
aborde pas moins les thèmes et combats chers au cinéaste, à commencer
par la sauvegarde et la toute-puissance de la Nature. Jamais soumise à
la moindre menace, rendue à sa souveraineté tranquille, celle-ci
apparaît comme un cocon protecteur où l’enfance peut s’épanouir - une
vision d’autant plus idyllique qu’elle s’inscrit dans le passé et les
souvenirs du cinéaste.
Le dessin soigné et gracieux, le trait tout en
simplicité mais néanmoins inventif de l’animateur japonais, contribuent à
magnifier une végétation splendide et une faune plus ou moins
fantastique, afin de rendre appréciable le "message" qui sous-tend
l’ensemble. Et pour rendre d’autant plus authentique cette immersion
dans la Nature et ce pur éveil à l’émerveillement, Miyazaki privilégie
une approche sensitive pleine de tact, faisant appel à la fois à nos
yeux, à notre ouïe (subtil travail sur le son) et à d’autres sensations
perdues (toucher, goût).
Puisant tout autant dans les croyances
ancestrales locales (la chat-bus
bakeneko, variante de la
réincarnation) que dans des références culturelles plus occidentales (la
descente de Meï dans le terrier de Totoro rappelle
Alice au pays des merveilles),
Miyazaki atteint à l’universel et propose quelques idées visuelles
propres à marquer durablement l’imaginaire enfantin ; en résultent
quelques pépites, telle cette scène fantastique et quasi-muette à un
arrêt de bus, ou encore ce rêve éveillé où les trois Totoro font pousser
une forêt entière en une danse mystique et nocturne, en un hilarant
ballet de parapluies - incontestable sommet poétique du film.
Si les
adultes pourront lui préférer les œuvres plus ambitieuses et plus noires
de son auteur (type
Le château ambulant), si la tendresse rieuse de
Totoro n’a pas la puissance du souffle épique et désespéré d’un
Nausicaä,
ceux qui ont conservé leur âme de gosse reconnaitront ici une œuvre
d’une grande qualité, atteignant à l’excellence avec la modestie des
sages. Quant aux petits n’enfants, difficile d’imaginer spectacle plus
pur et plus (discrètement) sophistiqué à leur mettre sous les yeux."
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