11/03/2010

Une journée entière à soi


Si tout allait bien, je me lèverai d'un bon entrain, distillerai les rituels habituels à l' enfant et nous serions assez proche de l'horaire fixé pour prendre le bus, s' en aller jusqu'au marché en terre inconnue, et on se dirait que l'aventure est là, au coin de la rue.
On achèterai des légumes aux noms nouveaux, on écouterai le craquement de l'endive à l'oreille, et on stagnerai devant le poulet grillé.

La froideur du vent essaierai de nous assommer avant le retour, mais nous aurions prévu de quoi tenir bon. Nos sacs suffisamment lestés.

Le repas serait attendu, regorgeant de mets aux promesses nouvelles.

Puis viendrait le temps d'affronter encore la fausse chaleur, je laisserai l'enfant au centre, reprendrai le bus avec le même chauffeur du matin qui sourirait, m'engouffrerai dans le train,et laisserai mes pensées traverser des plaines et des vallées.
Je replongerai avec avidité dans la lecture d'Incidences, releverai parfois la tête et suivrait en travelling un footing lointain, me croirai en journée d'errance pour nulle part... ce serait bon ce sentiment d'errance, si rare ...

Si tout allait bien, mes pas suivraient la route jusqu'au château, je m'enivrerai de l'espace architectural du lieu, ce luxe qu'est l'horizon et la démesure. Je tiendrai un café chaud au creux des mains, goûterai à ce chocolat noir acidulé d'éclats de citron (il y a de ces instants de grâce, je vous jure dans le palais)...
et je rentrerai assez en avance pour dénicher quelque ouvrage à la bibliothèque du quartier.

Il y aurait un stoc de livres à l'entrée, dans un carton surmonté d'une affichette griffonnée,"Dons, servez-vous". J' y jetterai un oeil. Je tomberai sur Rilke, son journal de Westerwede et de Paris, en 1902. Je poserai tranquillement l'ouvrage sur un genou et l'emporterai comme un ami d'hier, un vieil ami avec qui j'avais immanquablement coupé les ponts: "Pourquoi beaucoup ne peuvent plus lire Schiller. Parce qu'ils ne se souviennent pas de lui mais de ce qu'ils étaient quand ils l'ont lu pour la première fois" ...

Je rentrerai heureuse de cette accalmie de saison, paisiblement déshabituée de ce tempo de vie quotidienne. Ne plus courir.

Si tout allait bien, je retrouverai le goût des choses gustatives et me reprendrai l'envie d'écrire.

2 commentaires:

laurence a dit…

C'est drole je ne m'autorise mêm pas à penser si tout allait bien je...pourtant tout ne va pas si mal...mais...

Laure K. a dit…

@laurence
on négocie souvent avec ce qui nous manque le plus, le "si tout allait bien" est une façon de ne pas s'apensantir sur cet état de sérennité de peur qu'il ne se sauve, ... précieuse latitude, si tout est encore possible, alors ...

Fabienne Verdier, rencontre

  Devenir un corps pinceau-pensant, suspendu à la loi de la gravitation. Apprivoiser le tombé d'un drapé d'encr...