25/06/2010

"Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez"
 L' Art poétique - Nicolas Boileau



Le corps imprime au cerveau une cadence propre à chaque tâche répétée à outrance. A chaque métier sans doute appartient une posture.


Je pense que mon cerveau imprime ainsi une cadence d'images et de sons à la seconde qui finissent par réguler d'une certaine façon ma pensée, ma perception disons.
Et finir par ne plus voir que des "cuts", des "fondus enchainés", des répétitions, un rythme bien spécifique, absolument subjectif... comme tout "corps" de métier rattachés à l'image en mouvement.
Le sommeil permet je crois, comme sur un disque dur,  d'effacer les données et de restaurer la mémoire vive.

Je me souviens de cet extrait du spectacle "Conditions Humaines" de la compagnie de danse de Pietragalla, que j' avais monté ... j'aimais cette idée du geste répèté " à vide"par les mineurs, qui avaient perdus leurs contextes d'utilité de production, mais dont le corps avait gardé l'automatisme comme ultime recours de survie...
Quand le geste n'a plus d'intention objective, quand il se vide de son sens, nait alors une expression qui, s'il elle n'est pas création d'un nouveau sens en devient aliénant.

"Trois mille six cent fois par heure,
La seconde chuchote
Souviens toi"

Pomme Q.

9 commentaires:

laurence a dit…

parfois la trajectoire a des aspéritéset dans des éranglements le corps est vrillé
et même le sommeil qui veut se stratifier
se butte à l'insolence de la vérité
ne croyez pas au génie
simplement passez
et retrouvez plus loin la main tendue de l'oubli

anacoluthe a dit…

OS de l'image, je n'avais jamais vu les choses comme ça !

Mais à te lire les décrire, on perçoit effectivement que cela doit être en partie aliénant, au sens où ton cerveau est conditionné malgré toi par une tâche répétitive...

C'est intéressant, de lier ça à la profession qu'on exerce, il faudrait tenter cette étude fine pour d'autres professions, ce serait drôle, non ?

Quelle perception ont, d'un même événement (ou d'une journée, mettons) plusieurs personnes, aux professions très différentes ?

Laure K a dit…

@Laurence

tu en sais bien plus que moi à ce sujet ... de la mémoire corporelle !

laure K a dit…

@Anacoluthe

oui ce serait assez intéressant de lire ça sur d' autres professions , mais de façon général il me parait intéressant de savoir comment vivent les autres dans leurs courbatures quotidiennes ...

Tailleur d'Images a dit…

mmm, plusieurs réflexions me viennent,
d'abord concernant ce spectacle mettant en scène des mineurs qui répètent un geste qui n'a plus lieu d'être (si j'ai bien compris) (intéressant, j'aimerais bien voir !) :
une amie de ma mère qui travaillait à la chaîne nous a raconté jadis qu'une nuit elle s'est réveillée assise dans son lit, la tête de son mari sur ses genoux, et qu'elle mimait le geste qu'elle faisait avec les boîtes de conserve qui défilaient la journée sur sa chaîne... (la tête du mari en guise de boîte de conserve donc)
je me souviens de ses douleurs au cou, et dans le haut du dos, qui lui menaient la vie dure.

autre chose encore :
certaines danses d'afrique (je ne me souviens plus d'où : peut-être la côte d'ivoire, je serais ravie d'en apprendre plus !) ne sont composées que de mouvements qui miment les gestes du quotidien : la récolte dans les champs, les céréales qui sont broyées,... (je ne peux pas en dire plus, ignare (igname) que je suis ! ^^)
donc encore un exemple de chorégraphie qui met en lien le geste du travail et la création artistique

et puis sur les professions : à l'époque où je peignais, je ne voyais plus que des couleurs, des transitions, et lorsque je discutais avec quelqu'un, je ne pouvais m'empêcher d'analyser les différentes parties de son visage, les ombres, les couleurs,... (ce devait être assez désagréable pour l'interlocuteur ! ^^)
et maintenant que je blogue, j'ai le sentiment d'entretenir en permanence un dialogue intérieur avec ledit blog... pas vous ?

Laure K. a dit…

@Tailleur d'Images

Ton exemple est très marquant et intéressant sur ce sujet, et oui je n'avais pas songé aux danses africaines dont la plupart reprennent une gestuelle des travaux quotidiens comme les chants d'ailleurs, je pense aussi aux danses et chants en Bretagne et dans bien des contrées ... ce qui me passionne, et je ne sais pourqui, c'est la relation entre les mouvements que nous effectuons chaque jour dans un espace définit, ordonné et la liberté d'accomplir ces mouvements pour leur donner un autre sens.

pour ce qui est du blog et de son "entretien", puisque le mien a maintenant plus de deux ans, j'essaye de décrocher de temps à autre, et de prendre le temps de ressourcer mes propres recherches, évolutif et addictif aussi... c'est à double tranchant, je trouve, parfois j'écris aussi mal que je pense vite !

Tailleur d'Images a dit…

bonsoir,
oui, je trouve aussi qu'il y a quelque chose de très fort là dedans (reprendre un geste contraint pour en faire autre chose : se l'approprier ? l'appprivoiser, faire la paix avec lui ?)
tu as dit que tu t'en es occupée, de ce spectacle et tu as fait quoi sur cette chorégraphie ? ça doit être sympa de bosser avec une compagnie de danse !

ok, pour le blog, je crois que je n'ai jamais entendu de bloggeur dire que ça n'était pas addictif ! ^^ je compte 2 mois au compteur, mais déjà beaucoup trop d'heures de vol (volées à la vraie vie d'en dehors de mon fauteuil ^^). mais quel plaisir !

Laure K. a dit…

@tailleur d'images

J'ai monté les images du spectacle, c'est ce que je fais en temps "normal".
Je les ordonne, les coupe, les mélange, les lient ...

Cette histoire de gestuelle qui a perdu de son sens, je l'ai observé dans des parcs, le métro, chez des personnes qui avaient "basculées" vers une forme de folie, hors des conditionnements utiles. je crosi que je cherchais une définition de ce qu'était pour moi le mot "danse", la notion "d'expression corporelle", comment les corps bougent dans un espace, comment ils ne bougent plus... ça me fascine !

Tailleur d'Images a dit…

ok, capté, c'est vrai, vous évoquiez cette activité dans un post (un sacré travail je trouve ! je travaille sur des images figées, et souvent je me fais la réflexion que travailler avec des bouts de film doit être colossal, par ex pour choisir la scène qui sera retenue pour un film, entre 36 prises)

oui, la gestelle du corps, ce qu'il dit malgré nous, ou prolongement naturel de notre pensée, en effet, fascinant !

Fabienne Verdier, rencontre

  Devenir un corps pinceau-pensant, suspendu à la loi de la gravitation. Apprivoiser le tombé d'un drapé d'encr...