Facile de ne pas vous montrer la moitié de ma face écrevisse en rajoutant un filtre bleu, des peaux tannées aux premiers rayons de soleil, voilà à quoi on pouvait ne pas s'attendre pour un rencart dans salles obscures.
Il y a un avant et un après, tout jaune tout chaud. Les deux.
La parenthèse illusionniste elle, nous a fait chausser ces lucarnes irréelles tellement joliment fashion de naturel... une première !
La perception s'en trouve recomposer, le spectateur devient quasi un danseur parmi les danseurs participant à la fois à la ronde et parfois extérieure à elle. Le grain de ta peau, ami comédien, ami danseur est devenu si proche, si intime, que l'illusion de pouvoir te toucher en était presque parfaite. Tout à fait jouissif pour ma part. Cependant, pas de grandes émotions ressenties, est-ce dû à la technologie, ou est-ce dû à la narration dite "documentaire"... mais aussi un essai expérimental entre deux arts. Il se trouve que le sujet lui même, la recherche d'un langage du mouvement interroge tout autant que le support. C'est donc une véritable "expérience" cinématographique à laquelle nous sommes conviée. Un laboratoire sur le mouvement, tout comme les premières machines du début du cinéma cherchaientt à capturer la marche, une course à pied, l' envol d'un oiseau. Je trouve cela assez fascinant.
Je ne peux que saluer l'expérience réalisée par
Wim Wenders qui s'interroge lui même sur le "genre" de cet essai transformé. Un film hommage, un portrait, qui tente de rendre un processus de création avec l'esthétique particulière de la 3D.
Même si l'oeil ne peut oublier le cadre pour le coup, puisqu'il est physiquement porté par le spectateur. Mais affaire à suivre.
Je me pose encore la question pour l'émotion. Il faudrait le revoir en deux dimensions et non en foyer double.
L'expérience en vaut la peine et bien plus que la technique, découvrir le travail de Tanztheater de Pina Bausch, de voir à quel point les tableaux dansés qu'elles fait remonter à la surface, frappent l'inconscient. Comme une peinture indéfinissable, une chorégraphe de l'inconscient, teinté d'humour, de désespoir, de souffrance, de joie.
A travers une multitude de gestes orchestrés, de mise en scène jusqu'à l'absurde, jusqu'à l'inatteignable, et surtout l'indicible, avec des figures, des figures de style inventées pour un langage qui lui est propre.
Je pense aux cinéma de Bergman, de Tarkovsky... mi rêve, mi cauchemar.
Ce qui se trame en filigrane c'est le regard de Pina Bausch sur les autres , et aussi la patience et la grande liberté qu'elle leurs a donnés pour composer, de les laisser à leur propres interrogations, à se perdre, à se trouver et à y faire naître l'authenticité.
Son travail est une source intarissable pour moi.