La
notion de représentation du réel me facine toujours autant, le mieux
est encore d'essayer de rendre sa propre perception plutôt que de faire
semblant de rendre la vie réelle. Il y a
24, 25 ou 30 images par secondes, un délai est donc à disposition.
Comment on filme la vie, simplement, comment on
la rend ? Chaque époque a sa technique d' appréhension et d'enregistrement du réel.
Comment nos appareils techniques mesurent, influencent les démarches, les figent ou les fixent à tout jamais ? où retrouve-t-on la liberté des mouvements dans un cliché photographique ou le défilement d'un geste sur un écran ?
Comment nos appareils techniques mesurent, influencent les démarches, les figent ou les fixent à tout jamais ? où retrouve-t-on la liberté des mouvements dans un cliché photographique ou le défilement d'un geste sur un écran ?
Ce film réalisé en 1951 par Hans Namuth, a été remis en scène dans le film Pollock de 2000, où l'on voit le réalisateur qui coupe tous les gestes et élans du peintre parce que la technique cinématographique l'exige. Il le fait s'asseoir plusieurs fois, mettre ses chaussures, lui demande de s'interrompre quand il n'y a plus de pellicule, etc.
Le personnage de Jackson Pollock se plie sans rien dire durant ces scènes filmées, mais tout son être bouillonne, il dit se sentir "bidon" face à la camera obscura qui, bien que captant pour la postérité, lui enlève en même temps toute sa liberté d'action. Il finit par rentrer chez lui, dès le "final cut" avale 3 ou 4 verres de whiskys après deux années d'abstinence, au grand dam de sa femme, puis exaspéré par les prises de vue au hachoir envoie ballader la table entière chargés de victuailles pour la thanksgiving.
Cette scène m'a évidemment troublée, mettant en parallèle deux modes d'expressions aux antipodes à savoir l'art des 24 images à la seconde et la peinture qui ne se mesure pas en secondes.
La prise de vue du visible reste un cadre à choisir, un certain point de vue: où positionne-t-on sa caméra, à terre, en contre plongée, à hauteur d'homme, ou le plus haut possible ?
Ensuite vient la valeur dans le cadre, gros plan, plan large, plan rapproché, etc ?
Puis le choix de focale, la profondeur de champ: netteté, flou, sur quelle partie de l'image ?
Ouvrir l'iris, ENFIN !
Puis le choix de focale, la profondeur de champ: netteté, flou, sur quelle partie de l'image ?
Ouvrir l'iris, ENFIN !
Puis de ces choix là, guidés par on ne sait quel langage propre à soi, ses influences culturelles, sa maîtrise de la technique, ses goûts, vient alors la notion de durée. D'où à où j'enregistre ? Faut-il que le personnage soit déjà dans l'image ou qu'il y entre ? Dois-je lui faire refaire le mouvement ? En même temps que l'on filme on pense déjà au montage, à ces entrées et sorties du cadre, aux raccords avec un geste, un objet, aux mouvements qui défilent dans un sens, aux plans dit "plans de coupes" qui rendent une atmosphère sans individus en action. Les plans de coupe sont nécessaire à l'atmosphère d'un lieu, ils permettent de poser des respirations, ils permettent aussi d'habiller les voix qui elles, défilent.
Dans cette scène-ci montée, se met en place tout un monde de choix, de paradoxes, d'exigences techniques et par la suite de tout ce remue-ménage de la captation, il y a l'étape invisible du montage qui donne le rythme et le langage final.
Il ne faut rien envier à la peinture si on veut la capter, il faut même ne pas la respecter si on veut la rendre. Et simplement, il ne faut pas oser penser rendre le réel tel qu'il nous est donner à vivre, mais le rendre à travers nos persiennes, c'est là l'intérêt. Pour ma part j'évite le plus possible la mise en scène, mais certains gestes ou mouvements râtés par ma caméra méritent parfois une répetition, ne serait-ce que pour la beauté du geste. Etre absolument directif est un choix, comme suivre à sa façon, dans le chaos de la vie et du mouvement, pour ensuite réecrire au montage avec cette matière là, indéfinie, floue, spongieuse, mouvante, accidentée. Je lui préfère cette attitude, même si j'essaye de la maîtriser. Bref, je cherche le bon équilibre, entre odre et désorde, cahos et maîtrise, inspir et respir. L'art comme frontière, commme souffle primaire.