"Je suis allongée sur le canapé avant de dîner, L. dessine pendant que mes pistes audio de l'ordinateur jouent en mode aléatoire. Une voix à peine audible s'échappe des enceintes.
Je reconnais l' intro du violoncelle de Bach. J'écoute d'une oreille le chuchotement de la langue et de la voix, je connais mot pour mot l'enchevêtrement musical et textuel, sa musicalité, son débit, je me demande si L. parviens à entendre et je me dis que c'est peut être mieux qu'elle n'entende pas parce que ça parle d'une relation entre fille et mère.
Mais elle se lève d'elle-même pour augmenter le volume.
- C'est jolie, c'est de la poésie...
- Tu aimes bien cette voix ?
- oui... elle dit comme elle ressent...
La voix poursuit.
- C'est vrai ce qu'elle dit ?
- ... oui.
- elle parle de son enfant ?
- non, elle parle d' elle.
- On a fait un film avec cette voix. Tu veux le voir ?
- oui
- Attends...
Je mets le film. Six minutes. L. gribouille par accoup et détache son regard de temps en temps
mais est extrêmement attentive.
- Alors, tu en penses quoi ?
- ... ben des fois il faut dire les choses quand on est triste. C'est vrai ce qu'elle dit ?
- oui.
-Tu vas passer ça à la télé ?
- Non, plutôt dans une salle de cinéma. Pourquoi tu me demandes ça ?
- ben c'est un peu triste quand même.
- C'est pour ça qu'il faut être dans un certain dispositif d'écoute.
- C'est quoi le monstre ?
- ... mmh c'est comme le dessin qu'elle fait, non ?
- Non, on dirait qu'elle fait un grrrand saule pleureur plein de mille couleurs !!
- (sourire) oui enfin, là il est en noir et blanc.
- mais c'est quoi le monstre ?
- ... mmh...
Tu sais, les adultes ont des relations entre eux pour faire les bébés, ça s'appelle des relations sexuelles. Mais pas avec les enfants. C'est interdit. Et bien il y a des adultes qui le font quand même, ça s'appelle l'inceste. "
Je reconnais l' intro du violoncelle de Bach. J'écoute d'une oreille le chuchotement de la langue et de la voix, je connais mot pour mot l'enchevêtrement musical et textuel, sa musicalité, son débit, je me demande si L. parviens à entendre et je me dis que c'est peut être mieux qu'elle n'entende pas parce que ça parle d'une relation entre fille et mère.
Mais elle se lève d'elle-même pour augmenter le volume.
- C'est jolie, c'est de la poésie...
- Tu aimes bien cette voix ?
- oui... elle dit comme elle ressent...
La voix poursuit.
- C'est vrai ce qu'elle dit ?
- ... oui.
- elle parle de son enfant ?
- non, elle parle d' elle.
- On a fait un film avec cette voix. Tu veux le voir ?
- oui
- Attends...
Je mets le film. Six minutes. L. gribouille par accoup et détache son regard de temps en temps
mais est extrêmement attentive.
- Alors, tu en penses quoi ?
- ... ben des fois il faut dire les choses quand on est triste. C'est vrai ce qu'elle dit ?
- oui.
-Tu vas passer ça à la télé ?
- Non, plutôt dans une salle de cinéma. Pourquoi tu me demandes ça ?
- ben c'est un peu triste quand même.
- C'est pour ça qu'il faut être dans un certain dispositif d'écoute.
- C'est quoi le monstre ?
- ... mmh c'est comme le dessin qu'elle fait, non ?
- Non, on dirait qu'elle fait un grrrand saule pleureur plein de mille couleurs !!
- (sourire) oui enfin, là il est en noir et blanc.
- mais c'est quoi le monstre ?
- ... mmh...
Tu sais, les adultes ont des relations entre eux pour faire les bébés, ça s'appelle des relations sexuelles. Mais pas avec les enfants. C'est interdit. Et bien il y a des adultes qui le font quand même, ça s'appelle l'inceste. "
17 commentaires:
ça s'appelle l'inceste, oui, et c'est pas du gâteau et c'est pas un cadeau de l'avoir vécu et d'avoir à le vire.
C'est un peu triste quand même de penser er d'voir à voir que ça existe et pire que ça persiste!
Le monstre est encore à éradiquer. Il y a du pain sur la planche, pas de raison aucune de se taire.
C'est un vrai labeur que peu peuvent comprendre. Sortir de l'inceste, c'est sortir du rien et avoir tout à créer...
@Helenablue
Héléna, tu sais, c'ets peut être la première fois que j'évoque le sujet avec ma fille. A l'instant où elle m'a posé la question du monstre j'ai dû trouver les mots rapidement de la monstruosité, le crime, ce que je pouvais dire, lui dire, que papa, maman, les grands-parents...
je m'effondre sur mon clavier pardon
de larmes
J'ai répertorié dans mon dossier toutes les raisons pour lequel je fais ce film:
Le Témoignage
L'injustice,
La violence
L'Horreur
La Transmission
L'incarnation
Représenter, Redonner des contours
L'amour
...
Hier soir j'ai entendu à la radio une réalisatrice qui parlait de son film documentaire" J'irais marcher jusqu'à la mer" qui vient d'être diffusée sur Arte ce soir.
L'hisoire d'une jeune fille retrouvé comme morte suite à une chute dans un escalier. C'est le portrait d'une femme qui se bat avec son corps, qui a dû tout réapprendre elle est incroyable de volonté, de vie, de rage.
Le film se termine sur un plan du fauteuil vide et d'elle soutenu par deux hommes face à la mer.
La réalisatrice filme ça.
Le handicap est quelque chose qui me parle, et il est un sujet tout à fait visuel. L'inceste non.
Il faut lui trouver une forme à ce monstre informel et vivant, ces ravages ne sont pas visuels.
Les ravages psychologiques, psychiatriques, corporels de l'inceste ne sont pas - visuels.
Il faut lui trouver une forme, comme tu le dis, une représentation.
Mais comment représente-t-on l'horreur sans horrifié ? Comment faire pour que ce soit recevable ?
Le documentaire c'est déjà fait, mille fois, des témoignages, alors nosu cherchons une forme encore et nous la trouverons.
la fidélité de ton commentaire m'a beaaucoup plu c'est comme ça qu'on sent que les rapports sont aussi éducatifs quand on sait y mettre les mots. La forme est le support d'idée qui tient à éveil les sens le plus difficile c'est qu'il n'y ait pas de cassure entre
qui se souvient des théories de 68 et de la révolution sexuelle et de pétitionnaires soutenant une éducation moins "rigide". L'actualité récente nous l'a évoquée.
Le mot "interdit" dans ta présentation ne me gêne pas mais il ne me semble pas adapté. Je cherche.
Bzzz...
@Alex
... entre ?
@le Bourdon démasqué
La notion de libre arbitre, synonyme de liberté, désigne le pouvoir de choisir de façon absolue, c’est à dire d’être à l’origine de ses actes. Autrement dit un sujet libre est sensé pouvoir choisir de lui-même ce qu’il choisit, sans être poussé à l’avance d’un coté ou d’un autre par quelque influence ou cause que ce soit. Le libre arbitre suppose un certain contrôle de la part de l’agent : contrôle sur ses actions mais aussi sur les pensées et les émotions à partir desquelles il va se décider d’agir - contrôle qui suppose aussi la capacité de s’abstenir.
Sur quoi repose la notion de libre arbitre ? Deux points de vue s’opposent ici qui traversent toute l’histoire de la philosophie à travers bien des dénominations et des variantes différentes, opposition que nous essaierons de résumer comme étant celle entre le point de vue de la première personne et celui de la troisième personne.
Du point de vue de la première personne c’est-à-dire du point de vue de la conscience ou du sujet, personne ne peut décider à ma place, même ne pas décider est une décision, et la moindre action digne de ce nom m’engage : pour faire une chose aussi simple que lever le bras il faut que je le décide, tout au moins faut-il que j’y pense et rien ne se passerait sinon. Le libre arbitre est la condition de la responsabilité.
Cela fait-il du libre arbitre et du contrôle qu’il suppose une donnée évidente ? Est-il si évident que nous avons un contrôle sur nos pensées et nos émotions ? La plupart de nos supposées « actions », ne sont-elles pas en réalité des réactions mécaniques qui répondent à autant de facteurs intérieurs (émotions, préjugés…) et extérieurs (les circonstances) que nous ne contrôlons pas ? Certes, je suis à l’origine de tous mes choix, mais ai-je choisi ce que je suis ? Pour que nos actions soient vraiment les nôtres, il faudrait que nous puissions nous choisir nous-même, cela est-il possible ? Peut-on revendiquer un choix absolu de soi-même? Il faudrait alors avoir conscience d’avoir délibérément choisi sa naissance. Peut-être peut-on, plus raisonnablement, revendiquer un choix relatif de soi-même, "choix" signifierait ici soit acceptation (à partir d’un passé qu’on n’a pas choisi), soit refus (le suicide en étant l’extrémité). Cela nous amène à la question des conditions objectives du libre arbitre (celle des possibilités objectives du choix) et au second point de vue.
Du point de vue de la troisième personne, c’est-à-dire pour un observateur extérieur «objectif », chacun des actes d’un agent donné s’explique par des causes extérieures, s’insère dans une continuité. La science moderne en est l’expression la plus aboutie, elle est globalement déterministe (nous laissons de côté la question du probabilisme de la physique quantique), c’est-à-dire qu’elle envisage l’état présent de l’univers comme étant l’effet nécessaire de celui qui l'a précédé, et cela en vertu des lois de la nature. Ainsi, il apparaît qu’un agent ne peut agir en réalité autrement qu’il n’agit en fait, et que s’il s’est engagé dans une action A c’est que ni B, ni C (s’abstenir) n’était possible en fonction de son passé. L’idée de libre arbitre semble ici contradictoire avec celle de loi naturelle. Comment pourrait-on nier que nos futurs possibles sont en réalité déterminés par notre passé réel ?
Faut-il nécessairement opposer ces deux points de vue ? Objectivement le présent est l’effet nécessaire du passé, mais cela rend t-il absolument illusoire la nécessité face à laquelle nous nous trouvons (subjectivement) de décider et d’agir ? Doit-on tenir notre expérience de première personne (celle de nos hésitations, nos choix, notre responsabilité…) comme purement illusoire ? De ce point de vue les obstacles à notre liberté n’existent que par rapport à elle, et la question n’est pas : « être ou ne pas être libre ? », mais « comment se libérer ? » La liberté deviendrait alors une pratique exigeante, le libre arbitre une difficile conquête.
Vu que nous sommes tous des sujets, n’est-ce pas le point de vue objectif qui est abstrait ? N’est-il pas nécessaire de tenir pour vrai les deux points de vue : nous sommes à la fois libres (subjectivement et dans la mesure où nous y travaillons) et non libres (objectivement, dans la mesure où nous sommes une partie de la nature) ?
http://philo.pourtous.free.fr/Atelier/Textes/librearbitre.htm
http://www.armand-colin.com/livre/474821/l-enfant-interdit.php
@Le bourdon
merci pour l'éclaircissement de mon ignorance de cette époque. Quoiqu'il en soit ou qu'il en ait été, le sujet n'est pas de savoir en quelle lieu fût interdit l'inceste, même les discours de la Bible sont ambigüs semblent-t-ils, mais il s'agit ici d'évoquer comment on se construit avec cette violence-là. Comment on s'en sort, comment on ne s'en sort pas ?
Il y a un témoin régulier que vous semblez apprécier et côtoyer depuis quelques années, Le Bourdon;
Alors interdit ou pas, là n'est plus le débat.
comme dirait Pucasso: "la grande aaffaire c'est l'espace entre le tableau et le cadre"
Est-ce que dans «Redonner des contours.» l'on doit comprendre qu'il y a le mot espoir?
P.c.que je vois à tous les jours de jeunes hommes bien différents des moutures passées, dont je suis et de ceux qui m'y ont précédés dans ce rôle d'être père avec cette gangue du sexe fort qui depuis trop longtemps afflige.
En fait, ce sont de nouvelles générations de parents, hommes et femmes qui refont les contours de la parentalité afin d'assurer que cette terrible distance qui s'installait (et que la société toute entière encourageait) entre les pères d'une part et leurs enfants ne puisse plus existée. J' observe ce nouveau maillage plus sain, plus équilibrée dans leur rôle. À la limite, une joyeuse mixture de pères autrement plus "maternant" (ouf!) et de mère (enfin!) plus "paternante". Comme il est difficile de tout réparer ces gâchis, au moins donnons-nous les moyens de les éviter, dans la mesure de nos possibles!
@Alex
Pucasso ? hé ben !
Qui c'est encore que ce maudit là ?
mmh entre le cadre et le tableau, ça ne s'appelerait pas du vide ?
@MakesmewonderHum
Oui, il y a "espoir". Evidemment devrais-je dire qu'il y a "espoir" sinon à quoi bon.
Moi perso je n'ai pas pû faire autrement que de reproduire noir sur blanc ce qui était claire sur moins claire. Mais je le fais au mieux, et ça ne comblera pas le manque paternel. Au mieux, (au pire) je serais mère à 200% jusqu'à ... puisque je l'ai choisit.
Je n'ai pas hâte des retours de flamme de cette éducation mono parentale "choisit"... est-ce qu'on choisit vraiment d'être désaimé ?
Je crois que tous les modèles familiaux sont acceptables à partir du moment où l'enfant se sent et est aimé et protégé, tant mieux lorsque cette éducation peut-être supportée par 2 parents et/ou cercles agrandis.
Mais je ne veux pas qu'il y est confusion avec ce que je soumettais comme commentaire. Ce que je dis et répète c'est qu'en laissant une trop grande distance entre les pères et leurs enfants doublé du rapport de pouvoir et d'appropriation que se réservaient ceux-ci de par leur propre éducation il y avait de quoi socialement allumé tous les feux rouges où le simple discernement du vrai rôle de père et d' homme mettait possiblement en péril leurs rapport avec leurs propres enfants, filles et garçons. Comme un aviateur qui bombarde depuis 5milles mètres d'altitude sans vraiment distinguer les réelles conséquences au sol.
C'est l'implication différente des pères et des mères dans leur rôle que je constate aujourd'hui. Mettant plus à l'abris de gestes aux conséquences illimitées.
@MakesmewonderHum
Pardon, je me suis égarée par rapport à ton propos. Ton constat est réel, l'implication des pères a changé dans nos sociétés il est vrai, mais il est vrai aussi que là où le père prend son rôle la femme a elle aussi une solitude éprouvée. Disons que le schéma s'inverse, je le vois parfois ne serait-ce que dans ma propre famille, où c'est la mère qui ramène la "recette" pour nourrir son homme et ses enfants. Cela implique de moins s'impliquer parce que moins de temps, surtout quand les enfants sont en bas âge.
Ces révolutions sociales ont et auront des conséquences, mais l'équilibre a changé, oui, et c'est tant mieux.
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