30/06/2009

Une femme respectable

A l 'heure de rédiger ce billet qui me tenait à coeur depuis quelques jours, poursuivant cette recherche de la parole de ceux et celles qui dansent, je ne savais pas qu' aujourd'hui même ce billet ferait office d' hommage à la chorégraphe Pina Bausch dont je viens d' apprendre le décès par le billet d' une amie.

Pour ceux qui suivent un peu ce blog, Pina Bausch était une de mes références en terme de création scènique et chorégraphique, parce que ce que 'elle oeuvrait me bouleversait en dedans de moi.

La vie est si étrange de bonnes et mauvaises coïncidences... cette disparition là me touche moi, profondèment ...



Danseuse dans la compagnie du Tanztheater Wuppertal de Pina Bausch depuis 1973, Jo Ann Endicott passe à l' exercice de l' autobiographie sans prétention aucune, si ce n' est l' envie de communiquer les labeurs et joies entre vie de famille et l' exigence de cet art qui pourrait prendre tout l'espace vital.

Sans doute aussi, cette femme respectable a écrit ce livre pour celle qui fût l' Exigence même de sa vie entière, pour le lui offrir, lui faire entendre sa parole.


"Quand Pina était en colère elle m' appelait Jo Ann. C'était quand même rare. En tout cas ces dernières années; mais au début, en 1973, on a eu quelques problèmes entre nous. Il m' est arrivé d' exploser: " Tu es pire qu 'un vampire, je te déteste; ça t' es bien égal que quelqu' un soit en train de crever là, pourvu que ton travail avance !"


"Walzer"-1982

"Comment on en est arrivé à mon solo en maillot de bain bleu roi dans Walzer ?
A l' époque je n' étais pas particulièrement en bonne forme, ni particulièrement aimable. Atmosphère de séparation à la maison. Mes réponses aux"questions" de Pina étaient à l' avenant.

"Question": " avilissement". Ma réponse a donné le solo de ce ballet.
Je traine une immense table sur la scène. j' y arrive toute seule, et malheur à celui qui viendrait m' aider. Je m' arrêtais un certain nombre de fois en répètant: "I don't need your help", etc . avec le regard ...

Autre question: " Montre, est-ce que c'est comme ça chez toi aussi ?"

"Quand tu es assise comme ça, tes jambes sont-elles vraiment grosses, laides et répugnantes ? Et quand tu portes un soutien-gorge, les nichons sont ronds et hauts, quand tu n'en portes pas, ils tombent, il pendent."
Renverser le porte manteau, jeter les vêtements de tous côtés, donner des coups de pieds dans les chaises, mordre dans une pomme pour cracher les morceaux sur le public et brailler sur vous comme un tigre.

Ah, il y aurait encore beaucoup à dire sur mon solo bleu roi, il durait bien quinze minutes. Même si les scènes n'étaient pas jouées, je n'aurais pas pû faire ça sans Pina, ni elle sans moi. Oui, dans Walzer je me suis fait peur à moi-même. Je ne voulais pas être comme ça. Je devenais comme ça.

Entre-temps, d'autres danseuses qui ont des enfants m'ont demandé: " Jo, comment es-tu arrivée à faire tout ça ?" Je ne le sais pas moi-même.


72_walzer
Vidéo envoyée par carrascosaf


Extraits de "Je suis une femme respectable"- Jo Ann Endicot - L'Arche- 1999

6 commentaires:

mlbl a dit…

Mes pensées vont pour elle, aussi.

Laure K. a dit…

@mlbl
ho ! Marie-Laure ... toujours lectrice alors ?

Amitiés,
Laure

Laure K. a dit…

@mlbl

...

kreul a dit…

Un plaisir, une découverte de ce monde qui me fascinait mais qui m'était donné de voir... j'ai pu l'approcher grâce à Jo Ann ; et en ce jour, vous me le rappelez : rien de plus que le temps qui passe, certes...

Laure K. a dit…

@Kreul
merci Kreul, votre parcours m' intrigue ... il faudrait nous recontrer un beau jour d' été dans les jardins de Paris, quizas !

Christiane a dit…

Je viens de faire une recherche sur Jo-Ann, parce que je viens d'aller voir le film "les rêves dansants" et que suis bouleversée. J'aimais le travail de Pina Bausch, il y a de cela 20 ans, c'est une longue histoire... Je pensais un jour aller voir un spectacle. Salles toujours au complet, je n'ai jamais réalisé ce désir. Je vais lire ce livre et visiter votre blog.

Fabienne Verdier, rencontre

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