"Ce que je vous donne aujourd’hui n’est pas une image, ou la quête d’une
seule image, mais l’image d’une quête : celle que permet le cinéma.
Certaines images doivent manquer toujours, toujours être remplacées par
d’autres : dans ce mouvement il y a la vie, le combat, la peine et la
beauté, la tristesse des visages perdus, la compréhension de ce qui fut ;
parfois la noblesse, et même le courage : mais l’oubli, jamais." Rithy Panh
« L'image
manquante » Une histoire du Cambodge sous le regard du cinéaste Rithy Panh.
Comment l'auteur, le
cinéaste réussit à recomposer ce qui manque à la mémoire de
l'histoire de son pays, les images manquantes.
Celles d'un peuple affamé
par une idéologie. Celle d'un désir de retour à la terre, bannissant la
propriété privée, le bien individuel du capitalisme, les chants,
la liberté de chacun, pour en faire un grand pot commun, chacun
nourrissant l'autre, une idéologie communautaire où tout serait
partagé, labeur, semence, récolte.
Les scènes sont
recomposés sous forme de maquettes, où la caméra tournent avec
de petits personnages sculptés dans l'argile. Parfois, on voit la
main du cinéaste qui les sculptent.
La bande sonore très
travaillée par les ambiances, la musique, accompagnée par la voix
off du réalisateur narrant au fil de ses souvenirs, ce qui fût. La
mort des proches décimés par la faim, les corps mourants un à un,
les camps de travaux forcés, l'abandon d'un peuple, son
annihilement, sa destruction flagrante et pourtant invisible aux yeux
du monde. Comment a-t il pu survivre lui-même, se demande-t-il,
survivant à cinquante ans ?
J'apprends alors cette
effrayante parole de mensonges, tissées d'images de propagande, des
images fossés , de celles qui recouvrent les cadavres
qu'on laisse à terre sur le bas côté. La gloire de Pol Pot, ce
tyran qui ne dit pas son crime, qui affiche sourire et victoire de
son idéologie face aux dirigeants chinois, admiratifs.
Le cinéaste déterre
séquence après séquence, à travers son histoire personnelle, ce
qui broie l' humain petit à petit. Un film vraiment passionnant tant
dans son écriture cinématographique, son travail de recomposition
nécessairee à toute survivance. Témoigner. Témoigner contre
l'implacable mensonge qui tente de recouvrir l'histoire.
Cela complète ma lecture
d'
Images malgré tout, de
Georges Didi-Huberman,
un ouvrage écrit autour de quatre images prises dans le camp
d’Auschwitz. Quatre documents d'un réel qu'on dit impensable, dont
on dit encore que l'on ne peut pas imaginer l'horreur. Inimaginable.
Toute la trame de ce
livre est d'exprimer pourtant qu'il n'y a rien d'impensable, bien au
contraire, que l'indicible doit être dit et non pas relégué au
rang de l' inimaginable. C'est imposer aux victimes et aux survivants
l' inhumanité même qu'on leur a fait subir.
Il faut imaginer. Il faut
penser ce réel. Car il a été lui même pensé, imaginé, conçu et
appliqué.
Voilà en résumé, ce
qui tient lieu d'oeuvre, malgré Tout.
"Voir pour savoir. Et non pas simplement regarder."