"C’est l’enfance d’une évasion.
Née à trois heures sous les forceps, Jeanne sur la peau de qui on peut déchiffrer cette tache de naissance : Tu vieilliras mal.
"Je tisse d’étranges tapisseries que je défais quand je ris."
Jeanne pourrait rester là des siècles à mâcher son épi en guise de paradis.
Mais à treize ans les premières voix font irruption à même la vie.
Marie ouvre la bouche et tout s’éteint.
La Vierge parle à Jeanne (Seigneur sa voix résonne comme dans une salle de bains), elle la chérit, quel mal de tête, quelle audace, et si fière, quelle honte.
Jeanne grimace et de toutes ces voix fait un paquet aussitôt mis aux oubliettes.
Trois jours, et de nouveau la Vierge se déverse dans son oreille.
Seule Jeanne la voit, Sainte Vierge au milieu des vendangeurs. Elle paraît si jeune. Jeanne se cache dans les fougères.
Deux jours encore et la Vierge parle sans énigme.
- Tu as la clé, j’ai la serrure."
Extrait de "Sainte dans l'incendie" de Laurent Fréchuret
« Il te faudra bien faire un beau jour comme tout le monde‚ attendre le soleil‚ la pluie‚ l’ange agricole et les siècles des siècles‚ inhumaine‚ ne te cherche pas de malheur dans les rêves‚ ne t’invente pas de marques‚ refuse à ton corps ce chômage‚ prends en honte ce monologue de sourde‚ ce luxe de double vie‚ il suffit de vivre brave et de mourir dans du linge propre. »
La mère crie au nez de la famille.
« Jeanne s’en va. Tout est foutu. Elle veut refaire l’histoire de France. »
Sainte dans l’incendie est une fantaisie héroïque‚ une suite de variations sur une petite paysanne de légende‚ brûlée par la vie‚ traversée par des voix oubliées‚ échafaudant une autre histoire de France‚ faisant théâtre de tout. La traversée au pas de course d’une petite vie infinie.
Il s’agit d’une rêverie éveillée, d’une action d’enchantement, des intuitions d’une ignorance infuse, d’art naïf, d’une fraternité dans les ruines, d’un amour anachronique, d’un hommage au jeu du fou au pied du bûcher, d’une confidence, d’une lutte joyeuse, d’un dialogue public. L’ombre d’une chance.
De la matière pour une athlète du verbe.
Un texte interprété par Laurence Vielle dont j'ai déjà évoqué ici mon admiration, à l'écoute de sa distillation poétique et phonétique, non pas son phrasé mais son "marcher textuel".
Si ça vous tente, j'y serai sans doute ce week-end.
Du 13 octobre au 6 novembreMaison de la poésie,
passage Molière,
157 rue St martin, 3ème arr Paris.
3 commentaires:
je ne pleurs plus en public...
La calotte appréciera ... J'aurais aimé, enfant, en faire la lecture pendant les grandes messes en pensionnat.
Baltha
AH ! messieurs,pardonnez-moi, je dois vous laisser, j'ai des cloches à sonner.
Second Round !
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