Je vis là où il ne faut pas vivre.
Je vis là où l'on peut mourir.
De faim, de désespoir, de solitude.
Je parle français, ma fille aussi.
Les ondes qui traversent l'espace me laissent pensives.
La femme parle du désert, d'un désert, la traversée pour l'autre rive,
un monde ailleurs, espéré meilleur, aller voir ailleurs si ...
Elle tombe enceinte, engrossée par son compagnon de route dans le désert, sa soif, ses pas jusqu'à Bamako, les allers-retours des avions devant ma fenêtre, au dessus de la colline, les paroles de cette femme-là dans la cuisine, dans les avions, combien sont-ils à revenir à la case départ ?
Je vis là où il n'y a pas de désert physique.
Ma vie est là. Mon quotidien est dedans. Les arbres aussi.
La vitesse du vent sur nos têtes, sur le vélo, tous les matins, un grand bol d'air, chevaucher les ponts, les autoroutes, prendre tout de contraire, les trottoirs sont mes pistes cyclables, mon tempo est réglé sur mes vitesses je sais chaque changement de courbes, les indices de passage des feux verts, je roule vite, j'anticipe les manoeuvres les placements, les automobilistes doivent me plaindre quand il pleut, je les plains quand ils crament au soleil, là où ils attendent leur tour, moi je m'engouffre et leurs adresse un bras d'honneur imaginaire.
Mon carburant: jus d'orange frais du matin dans les veines.
L 'inertie de la banlieue ne prend que lorsque je m'immobilise.
L'objectif est d'y survivre, d'y vivre et d'aller voir ailleurs ...